Jun Woo ne fait rien comme tout le monde, et c'est tant mieux. Sur son passage, jeune homme transpirant les éclats de rire et les rayons de soleil, les gens se surprennent à sourire sans raison. Et puis, il est tellement contagieux, dans sa façon de rire, de traiter les gamines comme des princesses, les enfants comme des rois. Dans le quartiers, les petites têtes brunes surveillent avec impatience le retour triomphant de ce jeune homme qui prend les petits sur ses épaules et se plie à leurs quatre volonté, sans jamais se départir de son visage resplendissant.
Il faut dire aussi qu'il est charmant le jeune Jun Woo. Il propose toujours son aide aux vieilles dames, près à faire quatre aller retour jusqu'à l'épicerie si ça peut leur rendre service. Pourtant, elles ont un peu peur d'abuser de sa gentillesse. Malgré son air doux, le coréen est imposant, et elles s'attendent à tout moment à le voir craquer.
Les vieilles dames se souviennent de l'époque où il n'était qu'un gamin pleurnichard, assis sur le bas côté, reniflant dans sa manche en attendant que quelqu'un se penche vers lui pour l'aider. Personne ne s'arrêtait jamais. On est bien trop pressé à China Town, on n'a pas le temps d'en perdre pour un môme avachi sur le trottoir. Jusqu'à Min Ho.
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Jun Woo aurait pu n'avoir rien à dire sur les dix-neuf dernières années. Il aurait pu s'asseoir confortablement dans un fauteuil, tout les soirs, et regarder les informations sans se soucier du malheur des autres. Peut-être pour ça aurait-il simplement fallu qu'il n'ouvre jamais les yeux. Et qu'il ne rencontre jamais Min Ho.
Petit, Jun Woo aimait s'asseoir sur le palier du petit immeuble où il vivait, pour regarder les passants courir en tous sens, pour entendre le murmure bruyant des pas qui foulent le sol, les cris des mères à la recherche de leur enfant, les interjections des marchands. À quatre ans, Jun Woo aimait de tout son coeur d'enfant la vie qu'il sentait battre dans les rues de China Town. Ses grands yeux noirs ouvert avec avidité, il apprenait les mots des adultes, la façon de marcher des jeunes et le rire des grand-mères. Tout les soirs, fasciné et gavé d'images pleine de couleurs, il remontait dans le petit appartement où sa mère avait travaillé toute la journée à des retouches sur les vêtements des voisins. Il s'asseyait à côté d'elle, et il lui racontait tout ce qu'il avait vu dans la journée. Elle tournait vers lui son visage rond et souriant, qui faisait battre le coeur de son fils. Le rire de sa mère ... L'odeur de vanille qu'elle répandait autour d'elle, la douceur de ses mains lorsqu'elle se penchait pour l'embrasser et le serrer fort contre sa poitrine en riant de le voir se débattre. Les garçons, ça ne fait pas de câlins ! Dès le retour de monsieur Kim, Jun Woo sautait au bas de sa chaise et courait en hurlant dans les couloirs, jusqu'à s'écraser mollement contre la jambe de son père qui explosait d'un rire tonitruant. Jun Woo levait ses yeux plissés de malice vers le visage de son père, qui l'attrapait sous les aisselles pour le faire tournoyer. Et l'enfant riait si fort, si fort, que les voisins haussaient les yeux au ciel.
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